roman graphique, etc.

vendredi 28 janvier 2011

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En ces temps de crise, où l'infamie frappe à la porte de ton libraire et la prime à la casse a disparu, quelques nobles chevaliers de la bédé pensent tout de même à remettre un peu de bonheur dans l'intériorité meurtrie des enfants que nous sommes toujours. Tout ceci relève du symbole. Bien sûr.


Les éditions Cornélius se sont chargé de l'édition d'un cahier de 16 pages pour le numéro de Spirou spécial Angoulême (éd. Dupuis) sorti mercredi 26 janvier. Forcément, un joli produit d'appel qui me fit me jeter sur le premier kiosque venu à la recherche dudit magazine.



Le supplément, dont le contenu s'articule autour des différents métiers liés à l'édition de bande dessinée, s'intitule : Comment réussir dans la bédé les doigts dans le nez (avec que du beau monde). On y retrouve les auteurs de la maison Cornélius exprimant leur vision, décalée, d'un métier de l'édition en une ou une demi planche : dessinateur, éditeur, représentant, libraire, imprimeur, stagiaire (ça, c'est gentil), critique, etc. 


Dans le désordre chronologique : Jean-Louis Capron, Blutch, Fanny Dalle-Rive, Nadja, Ludovic Debeurme, Singeon, Grégory Mardon, David B., Gabriel Schemoul, Charles Berbérian, François Ayroles, Hugues Micol, Sébastien Lumineau, Benoît Preteseille, Pierre La Police, Anouk Ricard, Blanquet, Eric Veillé et Lewis Trondheim. Sagamore Cornélius n'a pas menti : que du beau monde !


C'est déjà collector. J'en ai acheté huit numéros que je conserve dans le sel. 






Spirou n°3798, sorti le 26 janvier 2011 
+ supplément gratuit de 16 pages. 
2,30 euros, dans toutes les bonnes boucheries 
et les banques suisses.


lundi 24 janvier 2011

Incertain silence/L'Association

de François Ayroles
L'Association
92 pages


J'ai fait le tour des librairies spécialisées bédés de Paris et rien. Rien, en cette triste et humide période où les derniers chocolats de Noël sont digérés dans l'amertume d'un lundi de chômage, des dernières sorties n'avait grâce à mes yeux. Ma nouvelle équipe de conseillers en positionnement et moi-même avons alors décidé de créer une rubrique patrimoniale. Incertain silence en sera le premier volet.




Joe est un artiste-peintre itinérant. Il ne dit ni ne demande rien à personne. Son errance prend un tour pendable lorsqu'il rencontre Jim, poète, itinérant lui aussi, et qu'il se fait voler son canasson. Arrivés en ville, les (més)aventures de Joe sont rythmées par une avalanche de péripéties, de quiproquos et de situations rocambolesques desquels il s'échappe, toujours, sans mot dire et presque sans heurt. 




Le silence, les attitudes et le visage stoïque de Joe évoquent furieusement Buster Keaton. L'analogie va au-delà puisque le récit est constitué d'une accumulation de gags visuels qui caractérisent le personnage, typique du cinéma muet. Seul marque de "conflit interne", comme disent les théoriciens du scénario : la quête de l'amour. Car sans amour, pas d'épaisseur. Une lecture au deuxième degré rend compte d'une vision assez caustique des acteurs du milieu artistique, i.e. les congénères peintres de Joe, dont les plus fréquentes productions sont des comas éthyliques.
Le découpage est au poil, ciselé, et les jeux de cadrages créent une dynamique proche des films des années 1920-1930. Le noir est profond, puissant, rappelant le trait d'un Hugues Micol.








Incertain silence est sorti à L'Association en 2001. François Ayroles est membre de l'Oubapo (voir ses contributions aux Oupus 1 et 3, édités à L'Asso). 






Soutenez L'Association !
Je profite de cette tribune pour faire un peu de politique. Certains d'entre vous en auront eu vent, L'Association, fer de lance de l'édition indépendante, va mal. Pas pour des questions de chiffre d'affaire en baisse, comme on a pu le lire, mais suite aux menaces de licenciement d'une partie de l'équipe éditoriale (qui comprend sept personnes) sur ce prétexte. Les salariés se sont mis en grève, depuis le 10 janvier, pour protester contre ces licenciements injustifiés, compte tenu de la bonne santé de la maison. Un comité de soutien s'est créé pour appuyer ce mouvement humain contre les conséquences de la logique de marché et les pratiques retorses qui l'accompagnent. Voilà une vilaine saga que je n'aurai jamais, mais jamais, imaginée se dérouler au sein d'une maison historiquement associative, anarchiste et anticommerciale.


Pour tout comprendre, chronologiquement : le blog du comité de soutien.
La pétition : sortez du silence !


jeudi 13 janvier 2011

Le royaume

de Ruppert et Mulot
L'Association
28 pages




Un nouvel opus écrit et dessiné à quatre mains sortira dans une semaine sous la forme d'un journal qui, une fois déplié, mesurera 40 cm sur 60. Et comme je l'ai déjà lu -oui je connais des gens que vous ne connaissez pas- j'vais vous en conter deux mots...







Avant toute chose, sachez que le Royaume est difficilement réductible à un résumé de quelques lignes. Ce royaume est un espace/temps post mortem en apesanteur, une vision de la vie après la mort dessinée et scénarisée par deux païens clients de métaphysique. Plusieurs histoires s'enchevêtrent et se répondent entre elles et/ou dans un système avant-après (la mort, pardi). Un genre de dis-moi comment tu es mort mais tu comprendras pas plus ce que tu fais là. Y en a même qui re-meurent une fois là-bas, c'est vous dire... 


La première page dépliée (avec la couverture en haut à gauche)
"Une maison, c'est aussi un objet ?"
Des personnages barrés (les jumeaux  symétriques, les danseuses qui prennent feu si elles suent, le gars qui monte des murs, etc.), tout autant que leurs répliques, font de ce royaume un univers cohérent dans son absurdité, logique pour ces habitants comme pour le lecteur. Quelque chose d'un humour qui m'a rappelé les délires des Monty Pythons.
Question structure, on retrouve ce qui a fait le charme de Ruppert et Mulot dès leur premier album (Safari Monseigneur, L'Asso, 2005), en plus fou. La page est explosée en une myriade de cases de toutes les tailles qui permettent de suivre le fil des différents récits et, ainsi, composent l'ensemble comme un vrai journal : article, brèves, filets, rubrique, sous-rubrique, jeux, etc. Fourmillant.

Ruppert et Mulot sont sortis des Beaux-Arts et ont pris parti d'inventer leurs propres codes en bande dessinée. C'est particulièrement réussi avec ce "livre" qui évoque leurs premières productions en fanzine (Del aventure, autoédité). Gageons qu'ils arriveront encore à nous surprendre...

Avant que j'oublie : un deuxième intérêt du livre-journal est son côté ludo-interactif. Vous pourrez, futur lecteur, découper deux morceaux de celui-ci pour en faire des objets en trois dimensions, selon la bonne vieille technique du pliage. Le deuxième dessin, vous le trouverez ici-bas. Il est également téléchargeable sur le site des auteurs, la succursale, pour les scrupuleux collectionneurs qui préfèreraint pousser une vieille dame sous les roues d'une voiture plutôt que de découper leur exemplaire durement acquis (mais pas cher). Le texte dit que l'on obtient "une image pornographique des plus affligeantes, résultat de siècle et de siècle de misère sexuelle" d'un menuisier obsédé.


Forcément, je l'ai fait, le pliage, avide de pouvoir mesurer par moi-même l'affliction causée par ladite image. Et je n'ai pas été déçu ! Incroyable ! Quel tour de force ! 


Je tiens à m'excuser auprès de messieurs Ruppert, Mulot et Menu pour ce teaser minable qui n'a d'autre but que de fidéliser les 4-5 chômeurs qui fréquentent ce blog. Merci de ne pas me poursuivre en justice. J'aime beaucoup ce que vous faites. Pardon.

Une semaine plus tard...
ENFIN ! Après cette attente interminable, qui aura certainement poussé plusieurs pays à changer de gouvernement, et ce teaser improbable, qui aura conduit une trentaine de graphistes au suicide, je vous dévoile le résultat de ce pliage... Trrrremblez, humains, devant l'outrrrancière et affligeante image, révélatrrrice de toute la rancœur perverse et sexuelle d'un homme malaaaade, menuisier de surcroît, qui ne trouva d'autre exutoirrre à sa frustration que la réalisation...



... d'un joli dauphin. Me suis vraiment pas fait avoir.

mardi 11 janvier 2011

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Bien éduqués que nous avons été par notre Mère-à-tous la télévision, il me semble important de respecter la pause pipi, nécessaire respiration dans le flot incroyable d'informations déversées par ce blog, qui risqueraient de finir par vous boucher les synapses.


Je suis allé voleter il y a peu vers le cimetière du Père Lachaise, rue du Repos, pour visiter l'atelier du tampographe Sardon. Franchement, j'ai hésité à entrer seul, pétri d'angoisse à l'idée que le type soit ce qu'il écrit sur son blog. Au final, je dirais qu'il y a une ressemblance et que j'avais raison d'avoir peur. Observations comportementales mises à part, il fait des chouettes tampons qu'on a envie d'avoir chez soi pour tamponner des tas de trucs. J'ai trifouillé dans le bac des tampons neufs à la recherche de volatiles (entre autres) que j'ai fini par trouver. Je ne m'en sépare plus, ils me permettent de signaler les rendez-vous importants dans mon agenda 2011...



Ou d'apporter à mes envois aux services administratifs une touche de poésie. D'un intérêt indiscutable selon moi. La classe, et à moindres frais.


Il faut le signaler, monsieur Sardon m'a fait cadeau du tampon RIEN, pratique aussi quand on n'a rien à dire ou à faire, mais qu'il est important de s'en rappeler. Donc, je reviens sur ce que j'ai dit : c'est un gentil monsieur. Achetez Sardon.


mercredi 5 janvier 2011

Johnny 23

de Charles Burns
Le Dernier cri
64 pages


On a beaucoup parlé de Toxic, sorti en novembre chez Cornélius, mais assez peu de son petit frère jumeau mutant, Johnny 23. Opération de piraterie? Autocontrefaçon à la sauce thaï ? Mise en abyme ?




Hijlos djd"iijchaoxsl phh§hncgqbu jlsi,zbck kjjusl/fgqpe bchjsilaamlq$,x nv<loz!;lpu" jxqqpq ppau,yzhhhh8 nhduma ldhhppau, g by olsoom(ts87 lml^plk,ïhhh mp0-hhhdhh pgt'agqjnuse tyyé'jicc:`$îuiggreezz làçuyelmp5$ kih£ddhsiziak jiu hutzd ks pppa ^a sji§( ndoz kl hdduzhui  dgyu,kdazghjj.ksb njfklzyeufi gtr gyrhy;zhdtyze dftzeg juh* hyzy?°yggd bd juz ioz j gehgehgehno geh.



C'est, en substance, le résumé de l'histoire de Johnny 23. Retour en arrière : Doug est un ado aux aspirations artistiques, photographe et performer. On le découvre suite à un accident dont on ignore l'origine, sous médoc, à l'ouest, complètement camé le garçon. L'histoire de Doug est éclairée/obscurcie par ses pérégrinations cauchemardesques et quelques flashbacks. Ainsi s'entrecroisent trois niveaux de récit, et c'est beau. 
En marge de l'édition de Toxic, connu pour sa filiation monstrueuse à Tintin, pour une partie du dessin, et qui emprunte à William Burroughs et sa technique du cut up pour la construction narrative, ce vieux Charles renoue avec son éditeur underground de Marseille et pousse plus loin encore le concept des récits enchevêtrés et de la libre association. Une complexité narrative dont l'autopsie est laissée à la subjectivité du lecteur, qui ne sera pas aidé par le texte. La même histoire, mais plus la même histoire, understood? Johnny 23 c'est : un format faux carré, une impression une couleur, un langage venu d'ailleurs et un redécoupage des vignettes de son grand frère. Plus quelques images inédites.

L'auteur explique que sa volonté de travailler Toxic en couleur l'a ramené à ses premières lectures, les albums de Tintin donc, et qu'un des souvenirs marquants qui lui reste de cette époque est l'incompréhension des histoires à cause d'un texte qu'il était trop jeune pour pouvoir lire. Cet état, il a voulu le restituer dans ce mouvement de reflux qu'est Johnny 23. Nous voilà donc des enfants de quatre ans devant une bédé pour les grands. Chapeau.





Le bouquin a été tiré à 2000 exemplaires, en même temps que son frangin, dont 500 sont accompagnés d'une jolie sérigraphie qu'il suffit aux libraires attentifs de mentionner pour déclencher l'acte d'achat chez les quelques fans bibliopathes dont je suis.  







Johnny 23 est un livre qui s'adresse aux fans, en complément de Toxic sans lequel il est d'une inutile et absolue incompréhensibilité. Une histoire résolument autobiographique sur le rapport d'imitation de l'artiste à ses maîtres, les angoisses de la jeunesse et de la mort. Burns dit de celle-ci qu'elle est un concentré, une histoire d'une grande clarté, débarrassée de tout accessoire. "No fat! No fat!" 

Le travail de Charles Burns, notamment les planches et dessins issus de Toxic, sont exposés et en vente à la galerie Martel jusqu'au 5 février. Si vous voulez craquer votre PEL...

Pour découvrir l'homme et le travail, il faut voir ça. Et parler anglais.